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El Morjène
6 février 2005

PAGE 26

Ce matin Malika s'est réveillée très triste en pensant :" Je suis assassinée..." mais elle bouge encore, elle vit encore ...
Sa maison dévastée ne peut être reconstruite, aucune maison ne sera la sienne, elle va errer en ce monde ! son beau jardin devient un désert, on a coupé tous les arbres, tous les arbrisseaux, on a écrasé toutes les fleurs, on a déraciné toutes les plantes aromatiques, on a jeté toutes les cailloux. Tout cela était en elle et faisait partie de son corps, là voilà infirme dans son jardin, sans ses arbres, sans ses fleurs, sans son ciel bleu, sans sa mer, sans ses étoiles.
Tout était un, tout s'est à nouveau dispersé en tout sens, une bombe pourtant prévisible ( mais on espère toujours y échapper ) a explosé dans son jardin laissant un cratère béant . Probablement ils ne resteront pas là dans cette maison de campagne en Normandie, ils iront à Honfleur près de la mer; dans un appartement c'est plus petit, on peut mieux se retrouver et puis Hossen sera plus près de son travail et elle trouvera plus facilement des ménages à faire. Elle regrettera son jardin, on ne peut faire pousser grand chose sur un balcon mais elle n'a pas cultivé la haine, elle n'a pas cultivé la rancune.
Ce Youssef qu'il fasse ce qu'il veut avec sa cousine, pourvu qu'elle ne le rencontre pas quand elle va voir sa soeur à Créteil; elle ne le supporterait pas, elle est faite comme ça, elle ne veut pas revoir ses yeux, elle ne veut pas réentendre sa parole mensongère. Ce cinéma qui a duré quatre ou cinq ans, elle n'aurait jamais dû y croire, elle voyait bien que son attitude était ambiguë, elle votait bien que ses déclarations d'amour sonnaient faux, elle voyait bien qu'il était toujours pressé de partir et avait toujours quelques rendez-vous mystérieux.

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