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El Morjène
3 mars 2005

PAGE 81

Nour se morfondait dans sa Bretagne, elle pensait à Julien dans ses montagnes de Savoie; ils s'étaient rencontrés, ils avaient parlé et elle ne pouvait pas le considérer comme son grand frère, lui continuait sa vie ordinaire, le raisonnable c'était d'aller vers la vie !
Elle avait omis de régulariser sa situation, son visa était terminé et elle savait qu'il ne serait pas prolongé. Son vrai père avait quatre vingt dix ans, pouvait il encore la reconnaître comme sa fille, était il assez lucide ?
Jalousies, dénonciations, était ce à cause des autres soeurs ?
Deux gendarmes arrivèrent à la maison paternelle avec un avis de reconduite à la frontière; le vieil homme expliqua la situation, il était vieux et cardiaque et il ne pouvait se passer de sa fille, les hommes de loi comprenaient mais les ordres étaient les ordres. Mais il ne fallait pas qu'elle s'inquiète, tous ceux qu'ils avaient emmenés au centre de détention de Rennes étaient tous revenus, c'était simplement une enquête administrative. Lundi ils viendraient la chercher pour la conduire en garde à vue à Brest; ils étaient courtois mais sûr d'eux. On lui laisserait le week en pour préparer son sac...avec quelques vêtements!
Nour était triste, elle se considérait comme française mais ne l'était pas car son père n'avait jamais fait aucune démarche pour la reconnaître. Elle téléphona à Julien, lui en tant qu'ancien pasteur avait des liens avec la Cimade qui se trouvait au camp pour s'occuper des prisonniers; oui, il allait lui rendre visite !
Lundi soir arriva, il faisait une chaleur torride, elle se retrouva dans le fourgon menottée avec six hommes :deux thaïlandais, trois marocains, un tunisien, tous les six avaient des papiers mais elle comprit vite qu'ils les avaient achetés à Barbès :cartes de séjour, cartes de sécurité sociale, permis de conduire. C'était près de l'aéroport, une grande bâtisse grise avec un grillage très haut consolidé par des barbelés que le ministre de l'intérieur avait fait doublé en épaisseur et en hauteur lors de sa dernière visite.
A leurs entrées, quinze policiers rigolaient et plaisantaient dans le petit hall d'entrée puis on la jeta dans sa cellule qu'elle partageait avec trois femmes turques. C'était guère plus grand qu'une cabine de bateau mais beaucoup moins confortable : deux couchettes superposées de chaque côté, une table qui se rabattait, un mini placard, des sanitaires rudimentaires. Le mur avait reçu beaucoup d'empreintes de coup de poing et de grattage; la lucarne à barreaux donnait sur la cour barricadée. Elle pouvait téléphoner aux cabines extérieures, aux heures prescrites mais avec cent cinquante personnes elles étaient rarement libres .

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