Suis-je mourrant ?

Je ne vais pas bien, j'ai envie de sortir...
J'ai laissé la porte ouverte.
Je tombe dans l'escalier et puis c'est le noir...

L'autre, on ne le voit plus, il n'est pas bien, tout peut arriver...
" Peux-tu aller voir si Abel est chez lui et s'il va bien "

" Je l'ai trouvé dehors, dans l'escalier, il ne bouge pas ! "
" Je vais aller voir "

Bien sûr, il ne bouge pas, il est dans le coma, vite on appelle les pompiers. On part à l'hôpital, on suit les pompiers.
Ses vêtements sont déchirés, il est sale, ses pieds sont noirs. Je compatis quand l'aide soignante le lave.
Plus tard, l'interne dit :" le cerveau est atteint aux trois quarts, on ne pourra pas faire grand chose "

La porte est ouverte, on entre dans la maison interdite où sont conservés des objets et des papiers de cent ans.
Je reconnais la grande cheminée avec un gros tas de cendres froides. Je reconnais la grande horloge de ma grand-mère.
Le frigidaire ne fonctionne pas, le lit est un grabat, tout est sombre. On trouve sa carte de sécurité sociale.
Il n'a jamais jeté aucun papier, aucune carte postale, aucune photo, il y a des tonnes de lettres.
Je lis les lettres et les cartes de la guerre de 1914, je trouve la photo du régiment de mon père, de 1916 que je fais refaire chez le photographe afin de bien le reconnaître...