Février 1960
Moi aussi je suis détériorée par le temps, je ne prend pas soin de mon corps, je ne met ni crème, ni maquillage, ni poudre de riz, je suis bien obligée de me voir dans la grande glace de l'armoire qui n'a pas changé de place depuis mille neuf cent trente. Mais moi cette chambre conjugale, je l'ai donnée à ma fille et moi j'ai pris la sienne qui est beaucoup plus chaude et dans laquelle j'ai installé le radiateur électrique. Je suis satisfaite de mon installation, j'ai fait un trou moi-même au plafond pour faire passer la prise car bien sûr il n'y a pas de prise électrique au premier étage, dans les chambres ce n'était pas nécessaire en mille neuf cent trente. Je suis obligée de faire du bricolage et parfois de changer la serrure de la lourde porte en chêne car mon fils cache ou perd la clef. Il veut travailler les terres mais moi je suis sans illusion, je vois bien qu'il déteste le travail manuel, qu'il veut que conduire le tracteur, qu'il ne veut ni couper les asperges, ni ramasser les pêches, ni faire les foins, ni jardiner, il s'intéresse seulement à la mécanique. Je vais cotiser pour lui afin que dans quelques années il puisse avoir une pension d'invalidité car je ne serai pas toujours là pour subvenir à ses besoins.