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Lakdar attendait Nour qui passait l'après midi chez Chiraz dans les anciens quartiers coloniaux. Cette femme peintre a la bougeotte, jamais contente nulle part; pourquoi a-t-elle quitté sa maison familiale de Djendouba pour aller à la capitale ?  Il craignait que cette instabilité déteigne sur Nour car sa femme après trente ans de tranquillité ne rêvait que de voyages, de promenades, de marches à pied, de mer, de montagnes. Chiraz semblait une femme indépendante, voilà dix ans qu'elle vivait célibataire, son fils était installé à Paris et elle ne revoyait pas son ancien mari, enfin c'était le genre de femme suspecte dont Lakdar se méfiait, il supposait qu'elle avait une vie privée secrète et tumultueuse !
Nour regardait toujours le parc clos mais immense et au loin de petites villas blanches avec leurs terrasses ventées, elle n'était pas pressée de rentrer, elle profitait du grand espace devant elle, elle savourait le thé et les petits gâteaux. Elles écoutaient toutes les deux une mystérieuse musique de flûte, un compositeur inconnu, peut-être de la musique turque !  Cet appartement est orienté à l'ouest, si elle tardait un peu elle pourrait voir le coucher du soleil; son appartement est orienté à l'est mais on ne voit qu'un mur et jamais au grand jamais on peut voir le lever du soleil .
Nour passa à la pièce à côté où Chiraz avait son atelier, elle s'assit par terre et se tu, toute son attention était concentrée sur son amie. Comment allait-elle s'y prendre ? elle était éberluée, elle ne se préoccupait plus d'elle; attirée par sa toile blanche, debout elle semblait prise par une surexcitation bizarre.
Sur sa palette il y avait du bleu, plusieurs bleus, elle jetait la couleur sur la toile puis l'étalait au pinceau, elle travaillait violemment, impulsivement, intuitivement. Apparemment , elle ne savait pas ce qu'elle voulait faire, elle n'avait pas de modèle dans sa tête, elle jetait ses couleurs puis réfléchissait car elle ne savait pas comment continuer.