Printemps 1959

J'ai coupé les asperges, je les ai emballées dans des cagettes, je les ai montées à la route pour le camionneur qui les emmène au marché en gros de Lyon. Je refuse que ma fille m'aide elle risquerait de les casser, je l'envoie aider sa soeur qui est enceinte, je ne suis pas fière pour ses grossesses rapprochées car elle ne pourra jamais arriver à faire tout son travail.  En automne , nous ferons les dernières vendanges car mon fils veut détruire ces vignes qui ne rapportent rien, ce sera la dernière fois que je ferai un grand repas pour les voisins.   Mais les asperges ne seront pas détruites, c'est moi qui commande, c'est la seule récolte qui donne un peu d'argent.    Le blé et le maïs, même avec les engrais ce n'est pas valable dans nos terres sableuses sans arrosage. Avec la mécanique tout le monde veut jouer à cultiver des céréales mais cela épuise le sol car il n'y a pas d'assolement La luzerne ne sera pas détruite, cela fait du bon foin pour mes vaches; bien sûr il faut me lever le matin pour traire car on ne peut faire attendre le laitier ! Parfois je me pose des questions d'hygiène, mon père avait une écurie impeccable mais maintenant on fait comme on peut et il vaut mieux éviter les coups de queues; je refuse que ma fille fasse ce travail sauf quand je suis malade.

Qui a-t-il de changer depuis que De Gaule a pris le pouvoir ?